
Le tokamak West du CEA est parvenu à maintenir un plasma pendant plus de 22 minutes le 12 février 2025. Il bat ainsi le record précédent de durée de plasma obtenu dans un tokamak. Dans les prochains mois, l’équipe de West compterait prolonger ses efforts, en atteignant de plus longues durées de plasma, de l’ordre de plusieurs heures cumulées.
En 2024, Sam Altman, PDG d'OpenAI, a déclaré qu'une percée dans la fusion nucléaire est nécessaire pour faire face aux besoins énergétiques croissants de l'IA et réduire son empreinte carbone. Il a notamment affirmé : "il n'y a aucun moyen d'y parvenir sans une percée. Nous avons besoin de la fusion [nucléaire] tout en développant d'autres sources d'énergie renouvelable". Si la fusion nucléaire est largement considérée comme le Saint-Graal de l'énergie propre, les experts affirment qu'elle est hors de portée à l'heure actuelle.
En mai 2024, le tokamak WEST, exploité par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en France, a atteint un nouveau record de fusion de plasma en utilisant du tungstène pour envelopper sa réaction. Le dispositif a maintenu un plasma de fusion chaud d'environ 50 millions de degrés Celsius pendant une durée record de six minutes, avec une puissance injectée de 1,15 gigajoule, soit 15 % d'énergie en plus et une densité deux fois plus élevée qu'auparavant.
Puis en janvier 2025, l'Institut des sciences physiques de Hefei en Chine ont réussi à battre le record, avec une durée de fusion près de 18 minutes (1 066 secondes), ce qui représente un énorme bond en avant par rapport au précédent record de 403 secondes (près de 7 minutes). L'EAST, aussi appelé "soleil artificiel" de la Chine, est doté d'une chambre dans laquelle du gaz est pompé et il crée des quantités massives de pression qui se transforment finalement en plasma. Ce plasma très chaud est ensuite contenu par des aimants et utilisé pour induire une fusion nucléaire.
Récemment, le CEA a annoncé que son tokamak West a de nouveau battu le record mondial de durée de plasma. Selon le rapport, le tokamak West du CEA est parvenu à maintenir un plasma pendant plus de 22 minutes le 12 février 2025. Il bat ainsi le record précédent de durée de plasma obtenu dans un tokamak. Cette avancée démontre que la connaissance des plasmas et leur maîtrise technologique sur de longues durées sont devenues bien plus matures, laissant espérer que des plasmas de fusion puissent être stabilisés sur de longues durées dans des machines comme Iter.
1 337 secondes : c’est le temps durant lequel le tokamak West, opéré sur le centre CEA de Cadarache en France, a maintenu un plasma le 12 février. Un résultat qui améliore de 25 % le précédent record de durée, obtenu par le tokamak chinois East il y a quelques semaines. Atteindre une telle durée est un jalon essentiel pour des machines comme Iter, qui devront maintenir des plasmas de fusion pendant plusieurs minutes. Il faut en effet maîtriser le plasma, instable par nature, et s’assurer que les composants placés face à lui sont capables de supporter ses rayonnements, sans dysfonctionner ni le polluer.
Ce sont deux des objectifs que se fixent les chercheurs du CEA et qui expliquent le record actuel. Dans les prochains mois, l’équipe de West compte prolonger ses efforts, en atteignant de plus longues durées de plasma, de l’ordre de plusieurs heures cumulées, mais aussi en chauffant ce plasma à encore plus haute température pour se rapprocher au mieux des conditions attendues dans les plasmas de fusion.
À l'intérieur du tokamak
West est une installation du CEA, qui bénéficie de décennies d’expérience de l’organisme dans l’utilisation de tokamaks pour étudier les plasmas. Elle accueille des chercheurs du monde entier, qui exploitent ses caractéristiques indispensables à l’obtention de plasmas de longue durée, notamment ses bobines supraconductrices et ses composants refroidis activement. West fait partie d’un effort international aux côtés d’autres d’expériences majeures auxquelles les chercheurs du CEA participent fortement comme JET, le tokamak européen situé au Royaume-Uni (arrêté fin 2023) qui détient le record d’énergie de fusion, JT-60SA au Japon, East en Chine et KSTAR en Corée du Sud, sans compter la machine-phare qu’est Iter.
Anne-Isabelle Etienvre, Directrice de la recherche fondamentale au CEA, commente ce record : "WEST a franchi une étape technologique importante en maintenant un plasma d'hydrogène pendant plus de vingt minutes grâce à l'injection de 2 MW de puissance de chauffage. Les expériences vont se poursuivre en augmentant cette puissance. Cet excellent résultat permet à WEST et à la communauté française de se positionner au premier plan pour préparer l’exploitation d’ITER."
Installation WEST
À quoi sert la fusion ?
La fusion nucléaire est une technologie dont le défi majeur est de maintenir le plasma, naturellement instable. Elle consomme encore moins de matière et de combustible que la fission déjà extrêmement concentrée, et ne produit pas de déchets radioactifs à vie longue.
Parmi les voies technologiques, la plus avancée pour générer de l’énergie est la fusion par confinement magnétique, où le plasma est confiné dans un tore grâce à un champ magnétique intense et chauffé jusqu’à obtenir la fusion de noyaux d’hydrogène. La fusion par confinement a déjà démontré sur JET une production de puissance fusion de l’ordre de 15 MW pendant plusieurs secondes.
La France, qui accueille West et Iter, est bien placée pour accueillir la première centrale fusion prototype. En effet, la fusion est une source d’énergie qui met en jeu des réactions nucléaires, avec de nombreuses complémentarités possibles avec l’énergie de fission et ses technologies relatives aux neutrons et aux matériaux, qui sont maîtrisées.
Pour autant, compte-tenu des infrastructures nécessaires pour produire cette énergie à grande échelle, il est peu probable que les technologies de fusion contribuent significativement à l’atteinte du net 0 d’émissions de CO2 en 2050. Il faudra pour cela lever plusieurs verrous technologiques, mais aussi démontrer la faisabilité économique d’une telle production d’électricité.
Fait intéressant, il y a un an, une équipe d'ingénieurs a exploité la puissance de l'intelligence artificielle (IA) pour résoudre un problème spécifique du plasma en temps réel. Ils ont pu obtenir de l'énergie de fusion et ainsi poser les bases pour faire progresser le domaine de la recherche sur la fusion. Lors d'expériences, un modèle d'IA pouvait prévoir jusqu'à 300 millisecondes à l'avance les instabilités potentielles du plasma, connues sous le nom d'instabilités en mode déchirure.
Bien que cela ne laisse pas plus de temps qu'un clignement lent des yeux chez l'homme, le contrôleur d'IA a eu largement le temps de modifier certains paramètres de fonctionnement afin d'éviter ce qui se serait transformé en une déchirure dans les lignes de champ magnétique du plasma, perturbant son équilibre et ouvrant la porte à une fuite qui mettrait fin à la réaction. Cependant, les chercheurs ont déclaré que ce travail constituait une preuve de concept prometteuse démontrant comment l'IA peut contrôler efficacement les réactions de fusion.
Source : CEA
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