
Les ambitions de Google dans le domaine de l'IA prennent le dessus sur ses engagements en faveur du climat. Ses émissions totales de gaz à effet de serre ont augmenté de 48 % entre 2019 et 2023. La majeure partie est liée à l'augmentation de la demande de calcul à partir de 2022, ce qui coïncide avec de l'avènement de l'IA générative. Alors que l'appétit énergétique de l'IA met à rude épreuve les réseaux électriques aux États-Unis, Google se félicite du soutien de l'administration Trump à l'utilisation du charbon et du gaz pour alimenter les centres de données pour l'IA. L'impact climatique de l'IA s'accroit rapidement et inquiète les experts.
Lors du forum Hill & Valley Forum qui s’est tenu fin avril 2025 à Washington, Doug Burgum, secrétaire à l’Intérieur dans l’administration Trump, a vivement critiqué ce qu’il considère comme un « agenda climatique extrémiste », c’est-à-dire les politiques climatiques jugées excessives. Doug Burgum a ensuite plaidé pour un recours massif au charbon, au gaz naturel et au nucléaire afin d’alimenter les centres de données et soutenir l’essor de l’IA générative.
Présente à l’événement, Ruth Porat, présidente et directrice des investissements de Google et d’Alphabet, a qualifié ces propos de « fantastiques ». Elle a aussi insisté sur la nécessité pour les États-Unis de renforcer leurs capacités énergétiques, estimant que le pays avait sous-investi dans ce domaine crucial pour le développement de l’IA. Google a applaudi cette déclaration, car elle répond aux besoins actuels des géants américains de l'IA et du cloud.
À la suite du discours du secrétaire à l'Intérieur Doug Burgum, Ruth Porat a déclaré aux participants à la conférence : « j'ai trouvé les commentaires du secrétaire Burgum fantastiques... car je pense qu'il est très clair que pour exploiter tout le potentiel de l'IA, il faut avoir les moyens de le mettre en œuvre. Or, nous avons sous-investi dans ce domaine dans notre pays, et pour rester en tête, nous devons devons nous attaquer de front à ce problème ».
Lors de l'événement, Ruth Porat a aussi évoqué un livre blanc de Google préconisant que les États-Unis investissent dans le gaz naturel et le nucléaire pour alimenter les centres de données de l'industrie, de plus en plus nombreux et gourmands en énergie. Les propos de Ruth Porat suggèrent que les géants de la technologie privilégient désormais les combustibles fossiles pour leurs centres de données au détriment de leurs engagements climatiques.
L'IA générative pousse la Silicon Valley vers les énergies fossiles
Il y a encore quelques années, Google, Microsoft, Amazon, et d'autres grandes entreprises technologiques étaient à l'avant-garde du monde des affaires pour reconnaître la gravité de l'urgence climatique et proposer des mesures concrètes visant à limiter les émissions de la Silicon Valley. Parmi ses nombreuses promesses en faveur du climat, Google s'est engagé en 2020 à alimenter toutes ses activités avec de l'énergie sans carbone d'ici à 2030.
À l'époque, le PDG de Google, Sundar Pichai, avait déclaré : « nous avons jusqu'en 2030 pour définir une cause durable pour notre planète, sous peine de subir les pires conséquences du changement climatique ». Il avait présenté un plan visant à alimenter les centres de données de l'entreprise en combinant des sources d'énergie éolienne et solaire. Sundar Pichai a également annoncé que Google travaillait à augmenter son utilisation du stockage par batterie.
Aujourd'hui, le géant de la recherche soutient farouchement le programme « d'abondance énergétique » de l'administration Trump. Ce programme largement controversé soutient le pétrole, le gaz et le charbon tout en pénalisant sévèrement les énergies renouvelables telles que l'éolien et le solaire.
Ce revirement indique qu'à l'heure où l'action climatique est sérieusement menacée par les républicains, les Big Tech du pays hésitent à soutenir les sources d'énergie les moins chères, les plus propres et les moins émettrices de carbone. Selon ces entreprises, les énergies renouvelables telles que l'éolien et le solaire ne sont pas abondantes, car elles ont des limites géographiques et climatiques, qui peuvent influencer leur déploiement et leur efficacité.
Cela se reflète dans les émissions de carbone de Google, qui ont augmenté de près de 50 % entre 2019 et 2024. Une étude indépendante du NewClimate Institute, une organisation allemande à but non lucratif, a remis en cause la capacité de l'entreprise à atteindre ses objectifs climatiques. L'expansion des centres de données et l'utilisation accrue de l'IA ont augmenté la demande en électricité et les émissions absolues de gaz à effet de serre de Google.
L'administration Trump vs les « dogmes climatiques radicaux »
Google et ses rivaux s'efforcent de trouver des sources d'électricité propres pour les centres de données d'IA gourmands en énergie. Cependant, le mix électrique américain est encore dominé par les combustibles fossiles, notamment le charbon et le gaz. La combustion de ces matières émet des gaz à effet de serre, notamment du dioxyde de carbone et du méthane, qui réchauffent la planète et provoquent des conditions météorologiques extrêmes.
Les Big Tech américains se ruent vers les énergies fossiles face à la concurrence chinoise. D'autres participants au Hill & Valley Forum ont exprimé leur scepticisme direct à l'égard des énergies renouvelables, notamment David Friedberg, coanimateur du populaire podcast technologique pro-Trump All-In.
Donald Trump a récemment dévoilé son plan d'action en matière d'IA. Ce pan est qualifié de croisade contre la réglementation par les critiques. « Nous devons construire et entretenir une vaste infrastructure d'IA et l'énergie nécessaire pour l'alimenter. Pour ce faire, nous continuerons à rejeter les dogmes climatiques radicaux et les formalités administratives bureaucratiques, comme l'administration l'a fait depuis le jour de l'investiture », indique le plan.
Le plan de Donald Trump note qu'il garantira la liberté d'expression dans les systèmes d'IA en éliminant « les références à la désinformation, à la diversité, à l'équité et à l'inclusion, ainsi qu'au changement climatique ». Il restreint en outre les dépenses fédérales aux développeurs de modèles d'IA « non woke ». Certains groupes de défense du climat n'ont pas tardé à condamner ce plan d'action, affirmant qu'il représente une menace pour la planète.
« Ce plan d'action américain sur l'IA ne se contente pas d'ouvrir la porte à une alliance entre les géants de la technologie et les grandes compagnies pétrolières, il défonce et supprime toutes les portes », a déclaré KD Chavez, directeur exécutif du groupe national de défense Climate Justice Alliance, dans un communiqué. Lors d'un événement sur l'IA organisé mi-juillet en Pennsylvanie, Ruth Porat a également fait l'éloge de l'administration Trump.
« Monsieur le Président, merci pour votre leadership et pour votre orientation claire et urgente qui incite notre nation à investir dans les infrastructures, les technologies et l'énergie liées à l'IA afin d'en exploiter les avantages et permettre à l'Amérique de rester à la pointe », a déclaré la dirigeante de Google.
Impacts de l'appétit énergétique de l'IA générative sur le grand public
Le public est de plus en plus frustré par l'augmentation des factures d'énergie. Dans l'Ohio, la facture d'électricité d'un ménage type a augmenté d'au moins 15 dollars par mois cet été à cause des centres de données, tandis que les entreprises énergétiques se préparent à un changement radical de la demande en forte hausse. En outre, la relance de vieilles centrales électriques et les sources d'énergie polluantes exposent le public à de nombreux risques.
En juillet 2025, la startup xAI d'Elon Musk a obtenu un permis d'émission atmosphérique à Memphis. Le centre de données qui abrite le supercalculateur Colossus de xAI est autorisé à exploiter 15 turbines à méthane. Le permis impose à xAI le respect d'une série de règles visant à minimiser la pollution et l'installation d'équipements de contrôle de dernière génération, mais la décision suscite l'indignation du public et des responsables environnementaux.
Ces derniers affirment que les générateurs qui alimentent le supercalculateur de Colossus de xAI polluent leurs quartiers. Selon les plaintes des communautés locales, l'installation de xAI libère une panoplie de gaz toxiques pour l'homme, dont le formaldéhyde, un agent cancérigène connu. Certaines entreprises se précipitent pour relancer les vieilles centrales à charbon pour répondre aux besoins de l'IA, accentuant ainsi les niveaux de pollution.
De plus, certains centres de données nécessitent d'énormes quantités d'eau pour refroidir les serveurs, ce qui accroit la pression sur les sources d'eau et pollue les nappes phréatiques. Lors des journées chaudes, un seul centre de données peut utiliser des millions de litres d'eau. Selon une étude, les centres de données pour l'IA pourraient consommer une quantité d'eau phénoménale d'ici à 2027, soit environ 6 435 milliards de litres d’eau dans le monde.
Selon les observateurs, peu d'endroits illustrent cette tension aussi clairement que la Géorgie, l'un des marchés des centres de données qui connaît la croissance la plus rapide aux États-Unis et dans le monde. Les centres de données sont accusés de polluer les nappes phréatiques dans les zones rurales de l'État.
Conclusion
Les politiques anti-climatiques de l'administration Trump pourraient exacerber la pollution liée aux énergies fossiles, car elles bénéficient du soutien de la Silicon Valley. Il y a quatre ans, Microsoft annonçait qu'il réduirait ses émissions de gaz à effet de serre à zéro d'ici à 2030. Cependant, les derniers rapports de l'entreprise montrent que ces émissions ont connu une forte augmentation, ce qui, selon le président Brad Smith, est dû à l'avènement de l'IA.
Selon une analyse publiée en septembre 2024, entre 2020 et 2022, les émissions de gaz à effet de serre des centres de données appartenant aux géants américains de la technologie comme Google, Microsoft, Meta et Apple étaient environ 662 % plus élevées que ce qu’ils ont déclaré officiellement.
Le raccordement de nouveaux centres de données au réseau électrique entraîne une pollution accrue. Pourtant, l'IA générative reste une déception à l'heure actuelle : la technologie ne résout aucun problème concret et a un fort impact environnemental en raison de son appétit énergétique. Jusqu'à 95 % des projets pilotes d'IA générative en entreprise échouent et la technologie souffre de nombreuses limites, dont certaines semblent insolubles.
Les centres de données consomment d’énormes quantités d’eau pour refroidir leurs équipements informatiques. Dans plusieurs régions des États-Unis et du monde, la construction de ces installations suscite de vives critiques, notamment dans les zones déjà soumises à un stress hydrique. Avec le développement de l'IA, le défi est clair : comment alimenter le monde numérique de demain sans épuiser la ressource la plus fondamentale qui soit, l'eau ?
Source : Ruth Porat, présidente et directrice des investissements de Google et d’Alphabet
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