Le projet est développé par la "Old Oak and Park Royal Development Corporation" (OPDC), une organisation sous la tutelle de l'Autorité du Grand Londres. « Recycler les énormes quantités de chaleur perdue de nos centres de données locaux en chaleur et en énergie pour les résidents, un grand hôpital et d'autres utilisateurs est un exemple passionnant et innovant du soutien de l'OPDC aux ambitions nettes zéro du maire », a déclaré David Lunts, directeur de l'OPDC. Selon le département pour la sécurité énergétique et le net zéro (DESNZ), le projet sera situé dans les localités de Hammersmith et Fulham, Brent et Ealing, à l'ouest du centre de Londres.
Selon l'OPDC, les centres de données offrent une source prévisible de chaleur de faible qualité - entre 20 et 35 °C - qui est souvent rejetée dans l'atmosphère. Dans le cadre du nouveau projet, cette chaleur sera recyclée et distribuée à un certain nombre de centres d'énergie par l'intermédiaire d'un réseau "ambiant" en plastique. De là, il alimentera des pompes à chaleur qui augmenteront la température. L'eau sera ensuite acheminée par un réseau traditionnel en acier vers un mélange de bâtiments résidentiels nouveaux et existants. Le projet devrait desservir 10 000 nouveaux logements et 250 000 mètres carrés d'espaces commerciaux, ainsi qu'un hôpital.
« Un énorme travail de collaboration avec les parties prenantes et d'expertise technique a été nécessaire pour en arriver là, mais nous disposons désormais d'un projet de réseau de chaleur ambiante innovant qui, nous l'espérons, servira de modèle pour les développements », a déclaré Jo Streeten, directeur général des bâtiments et des lieux pour l'Europe et l'Inde, chez Aecom. Mais plusieurs détails du projet sont sommaires, et il n'est pas clair si la chaleur va être fournie par les centres de données existants ou par les nouvelles constructions. Les autorités britanniques pensent néanmoins que le projet pourrait commencer à chauffer les ménages d'ici à 2027.
Les 36 millions de livres sterling déboursés pour ce projet font partie d'un fonds plus important de 65 millions de livres sterling (79,4 millions de dollars) qui soutiendra quatre autres projets d'énergie verte. Sur cette somme, 21 millions de livres (25,6 millions de dollars) iront à l'université de Lancaster pour décarboniser entièrement son campus à l'aide de pompes à chaleur à air et de stockage thermique, tandis que le reste sera consacré à l'installation de pompes à chaleur dans des lotissements à Londres, dans le Suffolk et à Watford. Les experts réfutent les déclarations du gouvernement britannique selon lesquelles il s'agit d'un projet d'énergie verte.
En outre, d'autres questions subsistent, comme le souligne un critique : « si l'idée est bonne en principe, a-t-on réfléchi à ce qui se passerait si les centres de données fermaient ou réduisaient leur chaleur résiduelle en raison de mesures d'efficacité énergétique ? ». En réponse, un critique a écrit : « cela a été un problème sérieux en Europe de l'Est où le chauffage urbain était assuré par des centrales électriques au charbon ou par des aciéries qui ne sont pas rentables dans un contexte global. Dans l'ensemble, si les gens cessent de vouloir héberger des ordinateurs à Londres, nous aurons des problèmes plus graves qui pourraient être difficiles à résoudre ».
Les avis sont mitigés quant aux chances de réussite du projet. Dans une déclaration annonçant le nouveau projet, la secrétaire d'État à la sécurité énergétique, Claire Coutinho, a déclaré : « nous investissons dans les technologies de l'avenir afin que les familles de tout le pays puissent désormais chauffer leurs maisons avec de la chaleur recyclée à faible teneur en carbone, tout en créant des milliers de nouveaux emplois qualifiés ». Mais l'affirmation selon laquelle le projet est une première au Royaume-Uni est discutable. Un petit projet à Exmouth utilise la chaleur résiduelle d'un centre de données pour chauffer une piscine publique située à proximité.
Par ailleurs, l'utilisation de la chaleur résiduelle des centres de données pour chauffer les habitations est une technique déjà largement utilisée dans d'autres pays en Europe. À Dublin, en Irlande, un certain nombre de bâtiments du secteur public sont chauffés par la chaleur résiduelle d'un centre de données d'Amazon. Facebook a un projet similaire au Danemark, où près de 7 000 foyers sont chauffés. En Finlande, Microsoft s'est associé à Fortum, la plus grande entreprise énergétique du pays, pour construire un nouveau centre de données qui fournira de la chaleur résiduelle à trois villes voisines par l'intermédiaire des conduites d'eau existantes.
L'année dernière, la société néerlandaise Bytesnet, spécialisée dans les centres de données, a proposé un projet visant à recycler la chaleur de ses installations situées dans le district de Groningen, aux Pays-Bas, pour chauffer des milliers de maisons. QTS, une autre fournisseur de centres de données, a proposé un projet similaire dans la même région. Cela dit, l'utilisation de la chaleur résiduelle des centres de données pour le chauffage résidentiel n'est pas toujours idéale. Le cabinet de conseil BCS a rapporté cet été que les utilisateurs, les développeurs et les investisseurs de centres de données ont exprimé leurs inquiétudes quant à cette pratique.
En particulier, les répondants à une enquête de BCS ont déclaré qu'il n'existait pas de preuves suffisantes pour suggérer que cette pratique pouvait apporter des avantages marqués aux opérateurs et aux biens immobiliers situés à proximité. « Il semble qu'un nombre important des répondants à notre enquête reste sceptique quant à la viabilité économique actuelle de ces programmes », ont écrit les auteurs du rapport. L'une des raisons à l'origine de ce scepticisme est que la chaleur résiduelle de l'infrastructure des centres de données n'est souvent pas à une température suffisamment élevée pour des applications telles que le chauffage municipal.
Ainsi, une pompe à chaleur est nécessaire pour augmenter la chaleur, ce qui consomme de l'énergie. Un rapport de l'Uptime Institute indique aussi que "la possibilité de réutiliser la chaleur résiduelle des centres de données est généralement limitée aux climats plus froids", c'est-à-dire aux régions d'Europe situées plus au nord que la majeure partie du Royaume-Uni. L'OPDC serait en pourparlers avancés avec deux centres de données. « Nous travaillons à la signature de protocoles d'accord avec les deux parties et, jusqu'à ce moment-là, nous ne pouvons pas préciser de qui il s'agit. Ensemble, ils fourniront 98,7 GWh de chaleur », a-t-il déclaré.
Source : annonce du département pour la sécurité énergétique et Net Zero du Royaume-Uni
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