Les mesures relatives à l’écoconception des services numériques actuels sont-elles suffisantes ? Les développeurs informatique sont-ils sensibilisés à l’écologie du code ? Qu’est-ce que l’écoconception logicielle ? Des députés répondent à ces questions et formulent des propositions y relatives dans le cadre d’un projet de loi sur la lutte contre le dérèglement climatique.
Le bitcoin pourrait mener l’humanité au chaos dû au changement climatique si son adoption se fait à des taux similaires à ceux de technologies comme les cartes de crédit. Cette immense consommation n'est pas un défaut, au sens d'une anomalie qui pourrait être améliorée dans les versions futures. Il s'agit plutôt d'une conception structurelle, d’une résultante du mécanisme de preuve de travail qui garantit la sécurité du réseau Bitcoin. En cela, ce dernier apparaît comme un anti-modèle d’écoconception logicielle. Motif : l’approche d’écoconception logicielle cherche plutôt à réduire la puissance informatique nécessaire au fonctionnement du logiciel.
Un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience contre ses effets est en examen à l’Assemblée nationale depuis le 29 mars. Le texte de plus de 75 articles répartis en six chapitres mobilise déjà plusieurs milliers d’amendements. Certains proposent de mieux former les travailleurs de la filière développement de logiciels à l’écoconception logicielle. Il s’agit des amendements 256, 1103 et 6668 qui visent à s’assurer que les nouvelles générations d’ingénieurs suivent obligatoirement un module sur l’écoconception des logiciels et des services numériques.
En son article 2, le projet de loi sur la lutte contre le dérèglement climatique modifie le code de l’éducation ainsi qu’il suit :
« L’éducation à l’environnement et au développement durable, à laquelle concourent l’ensemble des disciplines, permet aux élèves de comprendre les enjeux environnementaux, sociaux et économiques du développement durable. Elle est dispensée tout au long de la formation scolaire, d’une façon adaptée à chaque niveau et à chaque spécialisation, afin de développer les connaissances scientifiques et les compétences des élèves en vue de leur permettre de maîtriser ces enjeux et ces savoir-faire, notamment ceux portant sur le changement climatique et la préservation de la biodiversité terrestre et marine, y compris dans les territoires d’outre-mer, et de les préparer à l’exercice de leurs responsabilités de citoyen. Le ministère chargé de l’éducation nationale garantit les contenus, les modalités et la cohérence du déploiement de l’éducation à l’environnement et au développement durable dans le cadre scolaire. »
Les amendements proposent pour leur part de compléter l’article 2 ainsi qu’il suit :
« Cet amendement conditionne la diplomation des ingénieurs en informatique à l'obtention d'une attestation de compétences acquises en écoconception logicielle. Il reprend une mesure de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.
Le code de l'éducation prévoit des dispositions relatives aux formations d'ingénieur (articles L. 641-1 à L. 642-12 du code de l'éducation) qui fixent un système d'accréditation des formations autorisées à recruter des élèves-ingénieurs en vue de leur délivrer le titre d'ingénieur diplômé. Les établissements qui souhaitent pouvoir délivrer ce titre doivent solliciter cette accréditation, qui est accordée par le ministère de tutelle après avis de la commission des titres d'ingénieurs (CTI) pour les établissements publics (article L. 642-1), et sur décision de la CTI directement pour les établissements privés (article L. 642-4). La CTI est ainsi chargée d'évaluer toutes les formations d'ingénieur, de développer la qualité des formations, et de promouvoir le métier d'ingénieur en France et à l'étranger. Elle définit ainsi, par le biais d'un « référentiel d'accréditation », un ensemble d'acquis d'apprentissage constituant une base générique pour les formations d'ingénieurs.
En ce qui concerne les formations d'ingénieurs en informatique, de l'aveu même du secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, « les mesures relatives à l'écoconception des services numériques sont très faibles aujourd'hui. Quand on est formé au développement, on est peu sensibilisé à « l'écologie du code » ; il est nécessaire d'avancer sur ce sujet-là ».
Pourtant, il apparaît urgent de former les professionnels du secteur du numérique, comme les ingénieurs en informatique et les codeurs, à la sobriété numérique, et avant tout les étudiants au sein de ces formations, afin qu'ils puissent répercuter et diffuser ces bonnes pratiques et ces savoirs dans les structures qu'ils intégreront. La Fondation Internet nouvelle génération, entendue par les membres de la mission, avait particulièrement insisté sur l'efficacité de ce levier d'action, considérant que « la pression exercée par les jeunes diplômés sur les entreprises pourrait être plus grande que celle qui peut être exercée par les consommateurs. Aujourd'hui, un nombre croissant de jeunes ingénieurs informatiques ou d'informaticiens refusent d'intégrer des entreprises dont les pratiques digitales ne seraient pas vertueuses en matière environnementale », lit-on dans l’amendement 256.
« L’écoconception est une méthodologie standardisée à l’échelle mondiale (ISO 14006 : 2011 ; ISO 14062 : 2003). Appliquée au numérique, elle a pour objectif de proposer de nouveaux services numériques ayant moins d’impacts sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie. Cet amendement vise à imposer le suivi d’un module de formation dédié à ces questions dans le cursus des ingénieurs en informatique. Il rejoint en outre la proposition de la Convention Citoyenne pour le Climat de sensibiliser davantage les élèves « sur les écogestes numériques ». Cet amendement a été travaillé avec le collectif Green IT et plusieurs acteurs pour un numérique responsable. Il reprend un article de la proposition de loi «visant à réduire l’empreinte environnementale de la France », adoptée en janvier dernier par le Sénat », propose l’amendement 1103.
« Cet amendement complète la proposition de la convention citoyenne pour le climat sur la sensibilisation à l’école, par une disposition relative à la formation des ingénieurs informatiques reprenant des éléments de l’article 2 de la proposition de loi transpartisane « visant à réduire l’empreinte environnementale de la France » votée au Sénat le 12 janvier 2021. Il y aurait actuellement 80 000 postes d’ingénieur informatique vacants selon la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (Dares). Cette profession est en pleine expansion et va recruter de nouveaux professionnels de manière continue au vu de l’importance croissante du numérique dans nos vies. Les personnes actuellement en formation d’ingénieur informatique auront, dans les années qui viennent, la responsabilité du choix ou de la conception des logiciels et des équipements utilisés ou produits dans le cadre de leur travail. Ils auront un rôle clé dans la transition vers un modèle de sobriété numérique. Afin que ces futurs professionnels puissent effectuer leur métier avec des notions sur l’impact environnemental de leur activité et surtout qu’ils aient les moyens de limiter cet impact, la mise en place d’un module d’enseignement sur ce sujet dans les écoles d’ingénieur nous parait pertinente. Cet amendement a été travaillé avec le collectif Green IT », lit-on dans l’amendement 6668 qui demande une inclusion des modules de formation à l’écoconception logicielle dès la rentrée 2022.
Sources : Texte du projet de loi, Amendements 1, 2, 3
Et vous ?
Votre entreprise lance-t-elle des ateliers de sensibilisation à l'écoconception logicielle ?
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Des députés proposent que les développeurs informatique soient formés à l'écoconception logicielle
Dans le cadre d'un projet de loi sur la lutte contre le dérèglement climatique
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Le , par Patrick Ruiz
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