
Bien sûr, cette tendance énergivore de plus en plus marquée n’a pas que des avantages. Plus de 80 % de l’énergie que nous consommons aujourd’hui provient des combustibles fossiles, qui produisent des gaz à effet de serre et sont le moteur du changement climatique. Les scientifiques conviennent généralement que pour maintenir le réchauffement climatique sous la barre des deux degrés Celsius (à minima), les principaux émetteurs de dioxyde de carbone doivent réduire leurs émissions de 80 % d’ici à 2050, et que tous les pays doivent complètement cesser d’émettre du CO2 d’ici la fin du XXIe siècle.
La principale source d’émissions est de loin la production d’énergie, qui représente environ deux tiers des gaz à effet de serre résultant de l’activité humaine. Rationaliser l’utilisation de l’énergie peut être utile, mais pour réduire drastiquement les émissions mondiales de CO2 ou les éliminer, la solution la plus intéressante est de passer à des sources d’énergie qui n’émettent pas de dioxyde de carbone.
Pour Bill Gates, « L’accès à des énergies fiables et abordables devrait être une priorité même s’il n’y avait pas de problème climatique. De telles énergies aideraient des millions de personnes supplémentaires à s’affranchir de la pauvreté et à devenir plus autonomes. Elles apaiseraient les tensions internationales, renforceraient la sécurité mondiale et rendraient plus de pays autosuffisants en énergie. Elles ouvriraient de nouveaux débouchés économiques dans un secteur en pleine croissance représentant plusieurs billions de dollars. Elles atténueraient les problèmes associés à l’extraction des combustibles fossiles, opération coûteuse et souvent dangereuse. Elles réduiraient la pollution de l’air, responsable du décès de millions de personnes chaque année. Pour finir, elles stabiliseraient les prix de l’énergie, avec à la clé des retombées encore plus importantes sur l’économie mondiale à l’heure où nous sommes de plus en plus nombreux à dépendre de l’énergie au quotidien »
Et de préciser que :
« Cette opportunité est particulièrement évidente pour les pays en développement, pour lesquels l’impératif le plus immédiat consiste à assurer le fonctionnement des écoles et des hôpitaux et la croissance économique. Contraints de choisir entre une énergie propre et une énergie fiable et abordable, il serait tout à fait responsable de leur part de considérer que la santé et le bien-être de leurs habitants aujourd’hui passent avant les implications du changement climatique – qui sont lourdes de conséquences, mais dans un avenir incertain. Pour résoudre ce dilemme, nous devons rendre l’énergie fiable, abordable et propre.
« Autrement dit, passer à de nouvelles sources d’énergie n’est pas qu’une réponse avisée face à la menace du changement climatique : c’est aussi l’occasion de rendre le monde plus sûr et plus équitable ».
L’histoire des transitions énergétiques est éloquente : il faut plusieurs années pour mettre au point de nouvelles sources d’énergie, et plusieurs décennies pour qu’elles jouent un rôle significatif dans le bouquet énergétique. En 2015, moins de 5 % de l’énergie mondiale provenait des énergies renouvelables. Or, il a fallu quarante ans pour que la part du pétrole dans l’approvisionnement énergétique mondial passe de 5 à 25 %. Pour le gaz naturel, il a fallu plus longtemps encore.
Pour pouvoir passer à la vitesse supérieure, Bill Gates estime que les gouvernements et le secteur privé devraient investir beaucoup plus dans la recherche, le développement et la mise en place des énergies propres. En fait, selon lui, ce sont les investisseurs privés qui devraient payer la facture de l'augmentation des dépenses en technologies pour lutter contre le changement climatique mondial.
Les programmes de recherche financés par les fonds publics sont à l’origine de nombreuses innovations que l’on associe à la vie moderne. Ainsi, pendant la Guerre froide, le Département de la défense des États-Unis a mis au point des réseaux informatiques capables de résister à une attaque nucléaire. Le fonctionnement d’Internet repose aujourd’hui sur cette même technologie. Les sociétés privées ont fait d’Internet un carrefour mondial de communications et d’échanges commerciaux, mais la Toile n’existerait pas si le gouvernement n’avait pas préalablement investi dans les puces informatiques et les technologies de communication. La révolution numérique, qui a habilité de larges parties de la population mondiale, doit beaucoup à la recherche financée par le gouvernement fédéral. Les investissements publics renforcent également les institutions universitaires, où naissent tant d’innovations.
Le secteur privé, de par ses efforts, correspond au pendant de la recherche publique. Le secteur de l’énergie représente déjà un marché de plusieurs billions de dollars, et il pourrait un jour en être de même pour celui des énergies propres. Mais les investisseurs privés sont réticents à l’idée de se lancer dans ce domaine, et ce pour la même raison que les sociétés d’énergie ont tendance à investir trop peu en R&D : les percées peuvent mettre plusieurs dizaines d’années à se faire sentir, et le retour sur investissement pour les inventeurs est trop faible. Si les motivations lucratives ne sont certes pas inexistantes, elles passent inaperçues parce que les investisseurs n’ont que peu d’incitations à prendre des risques. Concepts prometteurs et produits viables sont séparés par une « vallée de la mort » que ni les financements publics, ni les investisseurs habituels ne peuvent complètement combler.
Un point clé de la solution est d’attirer des investisseurs qui peuvent se permettre de faire preuve de patience, et dont l’objectif est tout autant d’accélérer l’innovation que de la transformer en bénéfice.
C’est ainsi qu’à Paris en 2015, Bill Gates a annoncé deux initiatives connexes : l’une était Mission Innovation, un engagement de plus de dix pays à investir davantage dans la recherche sur l'énergie propre. L'autre était la Breakthrough Energy Coalition, un groupe mondial d'investisseurs privés qui soutiendra les entreprises qui apportent des idées innovantes d'énergie propre sur le marché. L’objectif principal avec la Coalition est autant d'accélérer les progrès en matière d'énergie propre...
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